Lorsque je regarde mon pote complètement anéanti par ce qu’il voit sur le profil facebook de son ex, ou que maintes fois mes amis bloquent sur leurs smartphones pendant que nous buvons un verre ensemble, je repense à ma collègue qui maîtrise la pensée positive. Et si c’était elle qui avait raison ? Elle qui traîne encore son Nokia 3310 qui lui épargne les méfaits des réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux : remède ou poison ?

Si on ne se laisse pas abuser par le caractère illusoire des amitiés virtuelles, les réseaux sociaux peuvent certes nous aider à renouer ou à garder le contact, suite à un déménagement, une expatriation ou à un éloignement des copains de lycée, ou de quartier. Mais ce n’est pas sur ce point positif que je souhaitais mener ma réflexion. Pour tout vous dire, je m’interrogeais sur la place que prennent ces réseaux dans notre vie émotionnelle.

Addiction, voyeurisme, perversité et frustration

On allume plus sa radio, ni sa télé au lever du jour. Qui n’a jamais eu comme premier réflexe de consulter son réseau au saut du lit, autour d’un café, d’une cigarette ou dans les transports en commun ? Histoire d’être connecté dès la première heure de la journée ! On ne lève même plus la tête en marchant quitte à percuter l’autre, ou à risquer sa vie. Que penser d’un refus d’être votre ami ? Nous ne sommes pas non plus à l’abri d’une sensation de rejet, et ce même derrière notre écran. Ce zapping relationnel n’impacterait il pas sur nos vies ? On vous classe dans des catégories, il faut être là où il faut et quand il faut ! « C’est le jeu, ma pauv’ Lucette » Voir l’enjeu ! Sommes-nous si dupes ? Chercher à voir ce que fait l’autre, où il va, son humeur, ses goûts, ses nouveaux amis … peut nous détruire. Voir que l’autre va bien, se comparer à lui, s’imaginer des scénarios improbables sur des seules suppositions liées à ce qu’il décidera de diffuser.

S’inventer le meilleur profil !

 On choisit soigneusement ses photos, on like ce qui cool on intègre des groupes et on affiche comme des trophées sur une cheminée son nombre d’amis. Moins de trente et on n’est vraiment pas grand-chose. Si afficher beaucoup d’amis est la norme, en réalité qui a plus d’une dizaine de véritables amis ? Quel autre mot auraient-ils pu employer ? Sauf qu’il ne prend pas la même dimension ! Que penser de cette impression que l’amitié est accessible en un seul clic !

Cette nouvelle croyance que les amitiés sont faciles, qu’il suffit de lancer ou d’accepter une invitation pour se faire des amis. Par opposition à la vraie vie, où chacun peut se rendre compte que se faire un ami et le garder n’est pas chose aisée. Nous sommes conditionnés au nombre de like sur notre physique, notre humour, nos goûts, nos avis. Conditionner à exister aux yeux des autres…ou pas. Cela permet il peut-être de combler le manque d’estime de soi en réparant une faille narcissique. Ces réseaux deviendraient-ils soudainement le nouveau remède ? Peut-être…mais de façon très éphémère à mon sens.

Du virtuel à la réalité…

On s’engouffre dans ce tourbillon de belles images baignées d’illusions. Qui n’a pas assisté à l’une de ces soirées qui n’a jamais vraiment démarrée mais sur fond de plans serrés devenait la soirée de l’année ! Peu importe le nombre ou l’endroit, l’essentiel est d’être bien entouré non ? Notre valeur se mesure t elle au nombre d’amis, au style de soirées auxquelles on participe, aux vacances qu’on expose ? Qui n’est jamais entré dans un bar, où se trouvaient quelques « amis » qui ne nous (re)connaissent pas ou inversement cette impression que nous connaissons tout d’eux mais auxquels nous n’adresserons peut-être jamais la parole… Que penser de la solitude de certains proches qui affichent un joli compteur mais qui se retrouvent devant le miroir à se demander qui ils vont appeler simplement pour ne pas être seuls…simplement pour espérer partager de vrais moments… La conception de l’amitié galvaudée par cette facilité d’entrer et de sortir de la vie des gens sans aucun état d’âme ne contaminerait elle pas nos vies ? Qu’est devenue cette valeur construite dans le temps et bradée en un simple clic ? Ce processus fait de compromis, d’acceptation des différences, de confiance mutuelle. Ne suis-je pas bien dans mon époque ? ou peut-être suis-je devenue has-been …

Combien de temps durera cette tendance ?

Et si nous le décidions nous même ? Et si nous prenions le temps de regarder notre voisin de table, d’école, de travail, de bus, de café, de restaurant…un moment…Et si nous osions aller aborder cette femme, cet homme ou seulement leur sourire…Et si simplement nous prenions notre téléphone pour appeler un ami qui nous manque, la famille qu’on ne prend plus le temps de voir…Et si tout simplement nous posions notre téléphone et prenions le temps de regarder autour de nous et de profiter de chaque instant que nous offre la vraie vie.

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