En ce début d’année 2016, je me suis permis un petit retour vers le passé. Nostalgique, oui mais aussi et surtout grand fan des eighties et de tout le patrimoine cinématographique qu’on leur doit. Car beaucoup de réalisations d’aujourd’hui s’appuient sur les succès d’hier (et il est vrai que d’autres auraient dû s’en inspirer…) et nos cauchemars les plus profonds sont encore habités par de sombres croque-mitaines et autres monstres en mode carton-pâte, latex et substances gluantes indéfinissables… Alors quoi de plus naturel que de fêter dignement cet anniversaire, compte tenu du fait que 1986 fut une année un peu particulière pour le cinéma horrifique entre autres, mais également pour le cinéma dans son ensemble. Des entrées, des sorties, de bonnes et de moins bonnes surprises, comme autant de morceaux de bravoures au sein d’une décennie qui a révélé que l’horreur n’est pas juste destinée à une caste de sombres rebelles punks, antisociaux et dépravés qu’on isolait à l’époque au fond des vidéoclubs avec la catégorie pornographique.

Ready ?

Une suite de suites

Force est de constater que 1986 a illustré un manque d’inspiration, que l’on pourrait pudiquement expliquer comme des réalisations en mode Beach Boys, à savoir surfer sur la réussite. On a donc pu admirer une armée de 2 fleurir sur les petits et grands écrans, et donner un air de déjà vu au paysage cinématographique. En même temps, on pourrait se demander si l’explosion de séquelles n’était pas plus respectable que la surexploitation des remakes comme nous le vivons aujourd’hui. Mais il s’agit là d’un tout autre débat (encore que…).

C’est ainsi que les spectateurs vont découvrir à l’été 1986 le second opus de la franchise The Texas Chainsaw Massacre (Massacre à la tronçonneuse) du réputé Tobe Hopper. Resté en stand-by depuis 1974, le réalisateur s’est remis au travail, disant dans The Shocking Truth qu’il voulait s’étendre sur la comédie noire du film original, un élément qui, selon lui, n’avait pas vraiment été remarqué. Sur ce métrage officie le désormais réputé Tom Savini, qui la même année sera cité pour son travail de maquilleur pour la sortie de Day of the Dead (Le Jour des Morts-Vivants) de George A. Romero.

Alien le retour sorti en 1986

Cette suite n’aura bien évidemment pas le succès de son prédécesseur, et préparera les fans de la franchise a une succession de déceptions, jusqu’au remake de Nispel qui redonnera un peu d’âme au personnage de Leatherface. Quelques semaines auparavant, les adeptes du surnaturel lorgnaient allègrement sur le scénario prometteur de Poltergeist 2, qui succédait à un premier opus du sus nommé Tobe Hopper (Même si, selon la légende, une clause dans son contrat avec Universal Studios empêcha Spielberg de diriger n’importe quel autre film alors qu’il préparait E.T. L’extra-terrestre. Certains ont alors commencé à remettre en question le rôle de Spielberg pendant la production. Suggestions selon lesquelles Spielberg avait une plus grande influence que le réalisateur Tobe Hopper comme le suggèrent les crédits, et donc que Hopper n’était que son faire-valoir sur ce film…). Encore une fois, le succès ne fut que commercial pour ce film (le mode Surfin’USA encore une fois) qui fut plutôt une déception pour les fans du genre. Dans un autre registre, John Guillermin et son King Kong 2 se sont vu l’énorme tache de distraire les esprits à l’aube des fêtes de fin d’année. Et comme on pouvait le prévoir, globalement honnie par les média, celui-ci fit en outre un flop au box office avec moins de 5 millions de recettes pour un budget de 10 millions. De plus, le film fut très mal accueilli par la critique qui le jugea « médiocre ». Alors… que de ratages dans toute cette tribu de séquelles plus ou moins inspirée ? Heureusement non. En juillet 1986, James Cameron nous livre le fameux Alien le retour. À sa sortie, il connait un succès commercial important, et reçoit de nombreuses critiques positives. Le film est proposé pour sept Oscars et remporte ceux du meilleur montage son et des meilleurs effets visuels. Bien qu’elle n’ait pas remporté l’Oscar de la meilleure actrice, la nomination de Sigourney Weaver pour son rôle est considérée comme une étape importante pour la légitimation des acteurs des genres de science-fiction et d’horreur, qui étaient jusqu’alors généralement boudés par l’académie. Outre les Oscars,Aliens domine largement les Saturn Awards, remportant huit récompenses au total.

Autre réussite, certes plus modeste, celle de Lamberto Bava avec son Démons 2. Au final, une année en demi-teinte qui se positionne comme le ventre mou des eighties et qui pourrait pousser à repenser l’industrie des séquelles.

Un slasher pour en cacher un autre

Cette année 1986 se détachera un peu des années précédentes, qui depuis la fin des années 70 et le début des années 80 avaient donné une large part aux slashers. Avec des personnages cultissimes comme le sont Freddy Krueger, Jason Voorhees ou encore Michael Myers, ce sous-genre archi-représenté a montré de grand moment d’horreur à des spectateurs friands de ces traques mortelles, souvent associées à des armes tranchantes, des cris stridents et de longues courses dans de sombres décors tous plus angoissants. Et dieu sait que ces personnages avaient un statut iconique dans cette décennie. Mais 1986 marquera l’année de la réflexion et du silence. Exit les Krueger, Myers, seul Jason Voorhees fera une apparition peu appréciée dans le mitigé Jason le mort-vivant qui ne restera pas dans les anales de la franchise. Pour combler le manque, le fan de slasher découvriront un film que la firme Uncut Movies a contribué à sortir de l’ombre en le rééditant en 2009 seulement en VOSTF en version remastérisée : Le jour des fous (Slaughter High) de George Dugdale. Slaughter High, une série B au budget mini mais au charme maxi, sonnant l’apogée du slasher gore à l’ancienne…
Un slasher aux sonorités très eighties et à la réalisation aussi naïve que prévisible… Et c’est un bonheur.
Les fans découvriront également courant 1986 le April Fool’s Day de Fred Walton qui reprend l’intrigue d’un célèbre roman d’Agatha Christie, Les dix petits nègres et qui, malgré un succès très perfectible à l’époque, gagnera ses galons au fil des années.

Cette année ne sera donc pas celle du slasher commercial, pourvoyeur de réussite commerciale et/ou artistique mais permettra de découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles choses et d’élargir le champ des possibles.

La Mouche sorti en 1986

1986, année monstrueuse

Un autre sous-genre de l’univers horrifique sera à la fête durant cette année 1986, pour le plus grand bonheur des admirateurs de frissons visuels. En effet, cette année verra fleurir quelques unes des productions les plus réussies des films de monstres. Pas de psychologique, pas d’idéologique, rien à comprendre, on en prend en effet plein les mirettes pour pas un rond (de bon sens des fois même…). Et c’est donc ainsi que David Cronenberg sortira son cultissime La Mouche qui a le mérite, au sein de sa filmographie, d’être un de ses succès les plus abordable (comparé à Scanners ou Vidéodrome). Un formidable florilège de prothèses pour une performance d’acteur remarquable de la part d’un Jeff Goldblum qui avait quelques années auparavant brillé dans L’invasion des profanateurs. Dans un style un peu moins visuel, mais également un peu moins sérieux, Stephen Herek hantera les nuits des plus résistants en les peuplant de petites bestioles rondouillardes et un poil agressives, Les Critters. Au demeurant condamnés à rester dans l’ombre de leurs cousins Les Gremlins, nés en 1984 de l’imagination de Joe Dante, ces évadés de l’espace ont plutôt bien réussi leur arrivée sur notre planète, au point de se payer le luxe de trois séquelles, pas tous de bon aloi du reste. Étrangement, ces monstres à l’appétit sans limites vont côtoyer en 1986 leur copie conforme en version colorée et hyper édulcorée pour les plus jeunes, Les Popples, ces petits oursons se mettant en boule pour distribuer de l’amour. Hasard ou pas, voilà une cohabitation des plus amusantes ! Une autre réalisation qui aura un succès non négligeable, en partie par le nom de son réalisateur Steve Miner, dont le nom est évidemment associé à la saga des Vendredi 13, est House qui sortira en février 1986. Cette réalisation qui fera découvrir au public les premiers balbutiements de la comédie horrifique, est encore un bel exemple de déballage en règle de monstres en tous genres. Big Ben en militaire putréfié bourré de testostérone, la main baladeuse qui devient un personnage a part entière, ou encore l’oiseau préhistorique, tout est hyper visuel et délicieusement eighties. Un régal qui ne sera encore une fois jamais égalé par ses séquelles aux prétentions plus mercantiles qu’artistiques.

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Force est de constater que les eighties resteront une période charnière dans l’industrie du film de genre. Tant de bravoure, de courage et d’abnégation de la part de passionnés dont le seul but était de transmettre un maximum d’émotions pour un minimum de pognon (pas par choix mais par dépit). Que d’exemples d’un travail acharné là où on nous sert aujourd’hui du (trop) politiquement correct et du (trop) commercialement intéressé, à défaut de rechercher ce petit quelque-chose qui transforme un éclair de génie en icône. Mais le genre horrifique aura fort à faire en 1986 au milieu des messages forts de l’industrie cinématographique internationale. En pleine période des personnages Reaganiens habillement représentés par Stallone (Cobra) et Schwarzenegger (Commando), de l’apologie de l’autorité (avec le succès de Top Gun, de Platoon ou encore de Police Academy 3), mais aussi de la déroute de l’église (Au Nom de la Rose), difficile pour un genre stigmatisé de faire connaître ses lettres de noblesses. Pourtant, l’histoire prouvera aux plus réticents que « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »…