Colmar est la troisième cité alsacienne, avec un peu plus de 67000 habitants. Située au pied des Vosges, elle se dresse ainsi fièrement dans la région historique et culturelle d’Alsace. Colmar a choisi de se lier à Strasbourg et Mulhouse au sein du pôle métropolitain Strasbourg-Mulhouse-Colmar qui fédère les grandes agglomérations alsaciennes dans le but de peser au sein de la nouvelle région Grand Est. À vol d’oiseau, Colmar est située à 63,6 km au sud-sud-ouest de Strasbourg. Elle est à mi-distance entre Strasbourg au nord (64 km) et Bâle au…
Hop hop hop jeunes gens. Vous ne pensiez donc pas me voir vous bassiner avec un article Wikipédien sur cette mythique cité alsacienne. Car l’Alsace, c’est une culture faite de légendes et de croyances, ponctuée par un ésotérisme ancestrale. Accueilli par le Général Rapp en personne, je suis prévenu. La cité va me conter ses légendes, ses chimères. Et aucun pas dans ses murs ne sera gratuit…
Apolonia la sorcière
Je suis donc fraîchement débarqué dans la cité alsacienne de Colmar, Place Rapp, sous le regard du Général. Quelques pas me confirment que je suis bel et bien en Alsace. Le style architectural ne tarde pas à me mettre en garde: visiteur, la cité t’accueille dans son folklore et son authenticité. Et quel bonheur! Je commence à déambuler. Rue des Boulangers, rue des Serruriers, mon regard ne cesse de s’agiter afin de m’imprégner des spécificités qui font de l’Alsace une région envoûtante. Des façades très typiques, une poésie sensorielle faite de poutres, d’enseignes commerciales en fer forgé et de bâtiments historiques. C’est ainsi que j’arrive au pied de la majestueuse cathédrale. Pierres nobles et architecture gothique, la Collégiale Saint-Martin de Colmar m’offre un premier instant de repos, et me conte la première légende de mon court périple…
Molsheim, 1589. Apolonia Schaeffer est soupçonnée de sorcellerie. Ses voisins l’assurent : elle s’est changée en loup. Elle a violenté son gendre dans un champ, a rendu une femme malade et est restée un mois sans parler ni manger. Soumise à la torture, elle finit ainsi par avouer, preuve que les accusations étaient fondées. Verdict : le bûcher.
Son supplice, Apolonia Schaeffer le doit en partie à l’un des ouvrages les plus célèbres de son temps, le Hexenhammer. Une sorte de guide à usage des chasseurs de sorcières, rédigé par un inquisiteur, prieur du couvent des dominicains de Sélestat, Heinrich Institoris. Selon lui, la cause première de la sorcellerie est l’action du diable. La sévérité de la peine qu’il préconise en découle. Au mieux : le bannissement ou l’enfermement. Au pire : le bûcher précédé parfois, par charité chrétienne, d’une décapitation.
Le moins que l’on puisse dire est que je suis brutalement mis face à la réalité: L’alsace est pleine de surprises. Et Apolonia ne pourra bien entendu pas me contredire. Je laisse derrière moi la Collègiale… Je flâne…
La légende de l’ondine du lac de la Largue
Arpentant la rue des Marchands, je me vois dans l’obligation de passer par l’Ancienne Douane (obligation délicieusement coupable, avec le comptoir du domaine viticole de Colmar comme compagnon). La promesse de magnifiques ruelles se fait enfin sentir. En effet, les premiers pontons, ce filet d’eau qui serpente entre les maisons… Je remarque un panneau qui m’interpelle: la Petite Venise. Très prometteur en effet… Ainsi, je suis la rue des Tanneurs, et au détour du Marché Couvert, me voilà conquis. Cette Petite Venise tient toutes ses promesses. Comme une petite cité alsacienne hors du temps, posée sur l’eau, vivant le cours des éléments.
Mais d’un ponton, je perçois un chuchotement. Je me penche, tends l’oreille et finalement entends:
La légende de l’ondine du lac de la Largue conte ainsi la création de cette rivière du Haut-Rhin, du temps où la mer recouvrait en grande partie la région. A cette époque, vit dans les eaux une famille d’ondins, dont l’une des filles se distingue par sa grande beauté et, surtout, par l’éclat de ses yeux, semblables à deux diamants. Un jour, le plus fougueux de ses soupirants décide donc de la conquérir, mais elle s’enfuit. Il a beau la poursuivre, elle n’a de cesse de lui échapper.
Dans la lutte qui s’ensuit, il perce avec son trident les yeux de la malheureuse. Arrive le père de l’ondine, résolu à la venger. Il nage avec une telle fureur qu’il soulève une terrible tempête. Les flots s’écoulent vers l’ouest, franchissent la trouée de Belfort, envahissent la vallée du Doubs, gagnent la Méditerranée. C’est depuis cet événement mémorable que la rivière de la Largue coule paisiblement dans la vallée qui porte son nom…
Encore une fois, preuve en est que cette cité alsacienne cache derrière son hospitalité de lourds secrets.
Thierry le loup
J’ai appris au gré de ma visite qu’un personnage dont j’ai déjà pu voir le travail était né à Colmar. Auguste Bartholdi (Deux heures pour flâner à Belfort…) est en effet un enfant de la cité Alsacienne. C’est ainsi que naturellement je me suis rapidement trouvé devant le musée qui retrace sa vie. Dans une cour, à l’abri des regards, presque dérobée, se trouve la porte pour entrer dans l’univers de ce sculpteur de génie.
Le travail de Bartholdi est aujourd’hui visible dans le monde entier, avec des œuvres comme la Statue de la Liberté à New-York, les quatre anges trompettistes à l’Église unitarienne baptiste de Boston, le Lion de Belfort à Belfort en France (dont une réplique réduite est sur la place Denfert-Rochereau à Paris) ou encore le Monument à la Suisse secourant Strasbourg à Bâle. Connu et reconnu, Il devient un des sculpteurs les plus célèbres du xixe siècle en Europe et en Amérique du Nord. Mais je m’intrigue : Alors que je me faisais tout haut la réflexion « Un lion, des chevaux, mais où sont les loups alors? », un badaud vraisemblablement autochtone se fige et me lance un regard noir… D’un trait, il attrape mon bras et me raconte:
C’était il y a longtemps de cela. Un jour, un bébé naît des amours interdites entre un noble et une princesse. Craignant le scandale, la mère abandonne son enfant dans la forêt. Celui- ci est recueilli par une louve, qui l’allaite et l’élève avec ses louveteaux – d’où son nom Wolfdietrich, « Thierry le Loup ». Devenu grand et doté d’une force exceptionnelle, Wolfdietrich, après diverses mésaventures, affronte un dragon en combat singulier. Il parvient à le tuer, mais se trouve entièrement couvert du sang de la créature fantastique, ce qui lui procure une invulnérabilité totale, à l’exception de l’épaule, où s’est collée une feuille de tilleul.
Plus tard, un écuyer félon, instruit du secret de son maître, en profite pour enfoncer une lance en cet endroit précis. Depuis, Wolfdietrich demeure tel un guerrier dormant. Il se réveille tous les cent ans, se rendort si la situation est calme, mais alerte ses compagnons d’armes s’il pressent qu’un conflit se prépare.
Je compris que le loup est ici signe de danger, avertissant des catastrophes à venir. L’homme et le loup, liés par cette allégorie pour traverser les siècles…
Je dois quitter la cité, le temps presse. Ces deux heures semblent arriver à leur terme… Bien plus rapidement que je ne l’aurai voulu d’ailleurs… Mais comment retrouver mon chemin? Comment rejoindre le Général Rapp sans risquer de faire remonter à la surface une nouvelle légende qui pourrait avoir raison de moi? J’ai eu du flair et durant cette aventure, j’ai remarqué de singulières enseignes que j’ai pris soin d’observer. Je les ai vu, et je pense pouvoir m’en servir afin de sortir de la cité. Je sens derrière moi le regard d’Apolonia, qui scrute mes pas. Je sais que l’Ondine n’attend qu’un instant d’inattention, et que Thierry le loup aura raison de moi…
Me voilà ressorti des entrailles de la cité. Me retournant, j’y entends des rires discrets, de silencieuses râles… La cité alsacienne se serait-elle jouée de moi? N’aurait-elle pas voulu me faire peur? Je ne le saurai probablement jamais, mais cette visite restera certainement l’une des plus intrigantes de mes périples…