A l’heure du tout diététique et des campagnes agressives sur le manger/bouger, de plus en plus de français choisissent de revendiquer des modes de vie et d’alimentation alternatifs. Encore loin de faire l’unanimité, ces choix de vie séduisent pourtant chaque année de nombreux mangeurs en quête d’un nouvel équilibre physique et psychologique. Parmi eux, le véganisme fait son petit bonhomme de chemin, et nous avons interrogé Sandra, végan assumée sur cette nouvelle hygiène de pensée et de vie.
Mais au fait : C’est quoi le véganisme ?
D’un point de vue très formel, le véganisme se définit ainsi :
Le véganisme est un mode de vie consistant à ne consommer aucun produit issu des animaux ou de leur exploitation. Le véganisme découle notamment d’une conception morale et philosophique des relations entre espèces animales, l’antispécisme ; il peut s’inscrire dans le cadre d’une action militante pour la défense des droits des animaux.
Au delà de cette définition très technique, le véganisme se revendique comme étant un mode de vie à part entière, et pas uniquement un choix d’alimentation adaptée à des contraintes philosophiques, physiques ou ethnologiques. Sandra nous l’explique ainsi :
Tout d’abord, je pense qu’il est nécessaire de rappeler qui sont les végans. Nous ne sommes pas une secte , pas plus que des écoterroristes, et encore des militants extrémistes . Être végan, c’est tout simplement refuser l’exploitation animale dans sa globalité , prôner le droit des animaux et l’anti-spécisme ce qui, de façon très concrète signifie ne pas consommer de chairs animales, de produits issus de l’animal tels que le lait , les œufs , le miel , le beurre, et ne pas utiliser de produits testés sur les animaux. Et ne pas cautionner l’exploitation animal ( cirques , zoo , parc animalier).
Il est évident que pour le quidam qui découvre ces mots, on peut rapidement tomber dans le stéréotype de l’ermite ne mangeant que des graines, l’activiste prêt à s’enchaîner à la porte d’une grande surface, et pourtant l’essence de ce mouvement de pensée passe avant tout par une adaptation idéologique diamétralement opposée à celle que la société de consommation tente d’inculquer aux consommateurs. Et il s’agit là du point central de l’incompréhension de la majorité de ces consommateurs devant ce refus à la société dite normale.
Mais alors : Comment devient-on végan ?
Il est inévitable d’envisager le véganisme comme un effet de mode, prôné par des personnalités et des peoples aux silhouettes parfaites, utilisant ce mode de vie comme une vitrine commerciale asservie à leur popularité. Et les maux dont souffre la nouvelle génération, noyée dans les complexes physiques et le culte du corps, ne sert absolument pas cette cause. Car beaucoup associent cette philosophie de vie à une méthode de perte de poids. Mais pour les végans de conviction, et non d’intention, le démarche est tout autre.
Sandra, comment es-tu devenue végan ?
Je ne me suis pas levée un matin en me disant : tiens, aujourd’hui je suis végan !
Pour que cela fonctionne, il faut que ce choix soit fait en adéquation avec vos principes et votre personnalité. J’ai toujours été soucieuse de la cause animale et emphatique face au triste sort que l’homme réserve à ces êtres sensibles. J’ai fait partie de nombreuses associations de protection animale, je sauvais des chiens, des chats ,des chevaux et pourtant je mangeais de la viande , parce que notre société nous enseigne depuis toujours que c’est une chose normale. Et bien entendu, par extension, je me contentais des produits ménagers du commerce , qui sont bien entendu testés sur les animaux .
Mais quel a été l’élément déclencheur de cette prise de conscience ?
Un jour , j’ai commencé à regarder de plus près mon assiette , suite à des photos sur l’exploitation animale , et petit à petit je pouvais de moins en moins supporter d’imaginer ce cadavre dans mon assiette. Je me suis donc renseigné sur l’alternative qu’est le véganisme, et ce modèle alimentaire apparaissait comme être en totale adéquation avec mes principes . Bien sûr, les débuts ont été compliqués. Il faut s’intéresser et vraiment être motivé. C’est toujours dur de sortir de sa zone de confort ou plutôt de la zone de confort que nous impose la société de consommation actuelle. Mais au bout de deux jours j’avais bien intégré les substituts , trouvé plein de recettes totalement véganes et maintenant c’est devenu une habitude.
Le sujet du véganisme est très souvent lié de près à celui des souffrances animales, et ce dernier est principalement responsable de ce choix de remettre en cause les habitudes alimentaires et les croyances qui pour certains représentent la majeure partie de leur vie.
Le véganisme face au quotidien
Plus que le fond de ce mode de vie, il semble que l’acceptation de sa forme, et donc son application mais également sa compréhension au quotidien, soient les obstacles les plus difficiles à franchir pour le végan souhaitant faire son coming-out. Sandra nous l’explique ainsi :
Le plus dur lorsque l’on choisi ce mode de vie, n’est pas de trouver des recettes ou des idées de substitution mais bien de résister face aux critiques, aux remarques, aux moqueries et autres stéréotypes infondés, venant de personnes très mal informées. Pour ma part ce qui m’effrayait le plus était la réaction de mon mari, carniste de l’extrême. Bien qu’inquiet, il a accepté mon nouveau mode de vie et me soutient dans ma démarche même si lui n’est pas prêt à franchir le pas.Bien entendu, je ne l’y oblige pas. Ensuite, il faut expliquer cela à la famille , parce que mamie risque de se vexer parce que je ne mangerai pas sa choucroute.
N’y a t’il pas de période de transition durant laquelle on se pardonne des écarts ?
Au début bien sûr il y a des ratés. En me proposant du poisson ou une bonne raclette, les non végans me disent « bien oui tu es pas obligée de manger de la charcuterie » ou encore « Ce n’est pas de la viande, c’est du poisson ». Certes mais le fromage est fait à base de lait de vache dont on a privé le petit veau pour notre plaisir gustatif, veau qui sera également tué pour finir dans notre assiette .
Mais après un petit temps d’adaptation et d’explication , la famille a fini par comprendre que ce n’est en rien une contrainte puisque je propose systématiquement d’apporter mon propre repas pour ne pas imposer mes choix à mon hôte .
La famille informée, qu’en est-il des amis ?
Les amis , un peu plus sceptiques que la famille, et aux remarques ne faisant pas dans la demie mesure, y allaient gaiement des petites boutades, en arrivant rapidement à l’éternel débat sur la faim dans le monde. Finalement même si je continue à faire le bonheur des railleries de mes amis , ils finissent par s’habituer et pour certains même choisissent de partager cette aventure avec moi.
Le véganisme face à la médecine moderne
Le débat qu’ouvre le véganisme en particulier, et plus généralement les tendances à l’utilisation d’alimentations alternatives, ne peux se faire sans aborder l’aspect médical. Voici le point de vue de deux acteurs de ce débat :
La croyance selon laquelle la viande serait indispensable à notre santé est un mythe. Au contraire, le végétarisme est bien plus bénéfique pour la santé, et il réduit les risques d’un certain nombre de maladies. Depuis plusieurs décennies, de nombreuses études ont comparé l’alimentation carnée et l’alimentation végétarienne. Les conclusions sont édifiantes. Les végétariens et végétaliens présentent des taux de cholestérol inférieurs, souffrent moins du cancer et de certaines maladies, des contaminations animale et de l’antibiorésistance. (Extrait du livre ETRE VEGETARIEN, Alexandra de Lassus, Les guides du Chêne, Éditions CHÊNE)
Un régime végétarien peut être tout à fait viable si, par ailleurs, il y a les combinaisons alimentaires suffisantes. La vitamine B12, par exemple, est absolument indispensable pour la fabrication des globules rouges et très rare dans le milieu végétal. Quand on est végétarien, les œufs et les produits laitiers suffisent. Pour les végétaliens, c’est beaucoup plus difficile. On peut en trouver en toutes petites quantités dans les algues ou le quinoa. On voit aussi des déficits en vitamine D qu’on trouve dans les poissons gras, le beurre ou grâce à l’exposition au soleil. Ce n’est pas spécifique aux végétaliens, mais ce régime accentue cette carence, qui favorise des pathologies telles que les insuffisances cardiaques. Enfin, il y a le déficit d’apport en fer. Le fer d’origine animale est plutôt bien assimilé, contrairement au fer d’origine végétale. Avec un régime végétalien strict, il y a un risque de grosses carences et de troubles de la nutrition. Je comprends le fait de manger moins de produits carnés, mais il faut faire attention à ne pas pousser à l’extrême. Physiologiquement, l’homme a besoin de ces éléments qu’il ne sait pas synthétiser, comme la vitamine B12. Pour ma part, je préconise à mes patients, cardiaques notamment, d’avoir une « tendance » végétarienne qui est un mode de vie plutôt sain. (Dr Laurent Chevallier, nutritionniste intervenant dans Le Point).
Il était évidemment prévisible que le véganisme et les alimentations alternatives verraient leurs défenseurs et leurs détracteurs s’affronter. La comparaison de leurs points de vue laisse à penser que la science n’a pas encore assez de recul pour affirmer les éventuels méfaits de cette alimentation, et qu’elle joue donc ici la carte du compromis. Mais les principaux concernés peuvent-ils s’appuyer sur des faits concrets pour avancer les bienfaits de leur choix ?
Sandra nous en donne son avis :
Personnellement, j’ai entendu dire que j’aurai de nombreuses carences , que je mourrai jeune , que je serai régulièrement malade, que le soja est bourré d’hormones. Mais je crois que celle ci est de loin la meilleure : on m’a dit que 100g de soja équivaux à 6 pilules contraceptives !!!! Pourtant je mange du soja et j’ai quand même besoin de ma pilule. De plus mes bilans hormonaux sont tout à fait normaux. Et puis, sérieusement, je ne pense pas que l’on voit beaucoup de cas d’hommes asiatiques avec une poitrine de femme !!!!
En tout cas, le véganisme ne prive pas ces adeptes d’humour. Du reste, il apparaît clairement que ce mode de vie est accessible à tous et ce pour des raisons qui peuvent différer. Sandra nous confiait que certains végans ne l’était pas forcément par conviction philosophique, mais par soucis de qualité alimentaire, par peur des maladies animales. Ce qui revient à regrouper plusieurs combats sous une même bannière. Et si le véganisme devait trouver une voie pour démocratiser ses us et convaincre le monde de ses bienfaits, c’est dans sa volonté de revoir le schéma destructeur de l’humanité actuelle et dans son désir de placer toutes les espèces sur le même plan qu’il devrait la trouver. Car les Hommes doivent garder l’espoir d’un monde meilleur…
Liens utiles: Antispécisme de Aymeric Caron, Earthlings de Shaun Monson, A.L.F. de Jérôme Lescure. Crédits photos : Sandra Wild, Vegabolition