Hildegarde est un mensuel gratuit, qui sort à chaque nouvelle lune. On peut le lire gratuitement en téléchargeant le PDF là : http://hildegarde.iva.la/. Ou le feuilleter (toujours gratuitement) là : Hildegarde Fanzine – issuu.

Salut Alice, tout d’abord, pourquoi avoir choisi un fanzine plutôt qu’un autre format ?

Tout le monde peut créer un fanzine. Il suffit d’avoir un ordinateur équipé de Word. J’ai choisi ce format pour que son contenu soit diffusé au plus grand nombre (PDF en téléchargement gratuit), et peut être donner envie à d’autres de faire de même.

D’après ce que j’ai pu lire sur les fanzines en général, le principe est la libre édition et la libre diffusion. Aussi n’y a-t-il aucun retour financier. Sauf peut-être l’amortissement de l’impression parfois, c’est bien cela ? Le but est avant tout le partage d’idées et de sensibilités sans entrave et avec le minimum d’intermédiaire possible ?

Je crois que les « fanzines » sont issus de la culture DIY (Do It Yourself) dans les milieux alternatifs. Mais ce genre de parution gratuite a du exister de tous temps, j’imagine. Oui, les 3 euros par numéro ne concernent que la version papier qu’on reçoit chez soi. C’est une participation aux frais, histoire de ne pas perdre trop d’argent.

« Ne pas perdre trop d’argent » ça me fait penser à l’artiste Alejandro Jodorowski qui répétait dans les interviews « Toute l’industrie cherche à faire de l’argent alors moi je fais un film pour perdre de l’argent« . Digression a part, Le fanzine Hildegarde existe depuis combien de parutions? Quelle est la ligne éditoriale d’ensemble, ou, si tu veux, quel est ton objectif à travers tout ce travail/don ?

Le numéro zéro date de mai 2016, celui de février 2017 sera le numéro 8. C’est venu d’une soif d’expression, je pense. Le besoin d’avoir un endroit où on pouvait exprimer tout ce qu’on veut dans une société qui a suivi une pente extrêmement puritaine ces dernières décennies, même en art ! (ambiance permissive sur les transgressions pipi-caca-bite-chatte, prodigue en profanations en tous genres, mais extrêmement rigide sur le moralement correct qu’elle a défini).

Comme on peut avoir une idée un jour et en changer le lendemain, il n’y a donc pas de ligne éditoriale si ce n’est l’envie de publier des textes personnels, honnêtes, qui ne cherchent pas à répéter, imiter ou être quelque chose. On a des auteurs professionnels et des contributeurs qui montrent leur travail pour la première fois. Des enfants aussi parfois participent.

Entendu, je crois comprendre un peu mieux le fanzine Hildegarde. L’exercice d’en parler ici semble un peu difficile, étant donné qu’il n’y a aucune spécialité, ou spécialisation. Par exemple il s’agirait d’un fanzine sur les voitures télécommandées on aurait tous en tête rapidement de quoi il s’agit. Là ça me parait presque comme une invitation à découvrir un peu d’inconnu et de liberté. C’est bien là tout « l’intérêt » d’Hildegarde, vrai ? Quelque chose d’insaisissable, qui se redéfinit ? Mais pourquoi diable ne veux-tu pas faire de spécialisation, bon sang ? 🙂

Disons que les sujets tournent pas mal autour de la métaphysique, il y a beaucoup de poésie, des œuvres visuelles en noir et blanc. Tous les mois, on retrouve un calendrier lunaire basée sur la biodynamie pour planifier au mieux ses activités en fonction de l’état de la lune, un peu comme faisaient les anciens. Il y a une sorte de nostalgie aussi dans Hildegarde. Une réhabilitation du sacré peut être. Le nom a été choisi en hommage à Hildegarde de Bingen, sous la protection de laquelle nous nous trouvons en quelque sorte.

On peut lire et apprécier des traces textuelles et visuelles de profils très différents dans ce fanzine, donc ? C’est toi qui les invite ? Des participations spontanées ? Par exemple tu disais que des enfants écrivent parfois. Je ne connais peut-être pas beaucoup ce qui se fait, mais ça me parait assez fou (dans le bon sens) de laisser une prose enfantine se glisser dans certainement un corpus d’adultes parfois professionnels qui eux ont une prose affinée, travaillée.

Oui, j’invite. Ou alors des gens qui apprécient le fanzine viennent parfois à moi pour me proposer un texte. J’invite parfois des gens dont je n’ai jamais lu la prose mais que je trouve intéressants en tant que personnes. Parfois, ça me suffit, et je ne suis pas déçue.

Qui es-tu ? Tu peux te présenter pour ceux qui ne te connaissent ni d’Eve ni d’Adam ?

Oui alors, qui je suis… Je suis mère au foyer et je prétends être philosophe. J’essaie de (me) poser des questions que les gens ne se posent pas forcément. Attirer l’attention sur ce qui est relativement invisible ou qui passe inaperçu.

Quelques infos supplémentaires + résumé :

Je suis artiste, et c’est parti de l’idée qu’il vaut mieux travailler gratuitement et faire ce qu’on aime en toute liberté plutôt que travailler pour des queues de cerise. Je demande une participation aux frais de 3 euros pour celui qui préfère recevoir le numéro papier à domicile (livret A5 noir et blanc agrafé) à la maison. Ainsi je ne gagne rien, mais je ne perds pas d’argent, et j’ai le plaisir de partager le travail de gens qui méritent d’être lus/vus, tout en ayant un support mensuel pour partager mes propres impressions sur le monde. Comme nous ne recevons aucune subvention, nous sommes entièrement libre d’exprimer ce que nous voulons. Deux ou trois amis proches m’aident dans ce projet à trouver des artistes, des thèmes et contribuent régulièrement.

Parmi les autres contributeurs, on trouve des gens qui ont un peu de notoriété (voire qui ont vendu beaucoup de livres) ou d’autres qui se font publier pour la première fois. Nous publions parfois des textes ou dessins d’enfants aussi.

La gratuité est une des bases de l’esprit « Hildegarde », les gens travaillent bénévolement (et c’est pas évident pour un artiste qui a déjà du mal à vivre, en général !). Disons que j’aimerais montrer l’exemple, montrer qu’on peut faire des choses intéressantes, œuvrer très humblement pour la liberté d’expression, relier des gens d’horizons très différents (il n’y a pas de ligne éditoriale à Hildegarde, seule l’honnêteté artistique compte) tout ça sans aucun moyen. Je trouve que plus rien ne se fait gratuitement de nos jours. C’est une façon de pirater la Machine-à-faire-de-l’argent avec tout et n’importe quoi.

Je dépose tous les mois un ou deux Hildegarde dans la boîte à livre de la place Leclerc à Coudekerque-branche, pour information !